vendredi 19 avril 2013

serpent 

Le 10 février, les catholiques ont prié sainte Scholastique, une moniale méconnue dont l’âme s’envola en 543 sous la forme d’une colombe. Elle fut la sœur de saint Benoît. Le même jour, place Tien-An-men à Pékin, les Chinois ont plus fastueusement fêté leur nouvelle année du Serpent, qui succède à celle du Dragon. Deux bestioles qui ne sont plus en odeur de sainteté de par chez nous. La seconde, parce qu’elle ne nous évoque plus une flamboyante chimère celtique mais une massive épouse acariâtre. Le serpent, parce qu’il rampe sous les buis pour avaler des œufs de quelque fermier d’Arrissoules, voire la plus pondeuse des oies d’Eglantine Chaudet, volaillère à Rivaz. Depuis toujours, il inspire épouvante et révulsion. Plus souvent à la femme - qui n’a pas oublié l’épisode du jardin d’Eden, ni la pomme, ni un certain contrat luciférien dont elle voudrait s’extirper. A Alexandre Vialatte, il donnait des frissons de dégoût: «C’est désossé et c’est musclé. Et le comble de l’horreur, c’est que c’est gras! Il en est même qui en mangent!» Au sud de la Chine notamment, où ce symbole zodiacal, associé à la sagesse et à la connaissance de soi, se débite en blanquette dans une soupière où mijotent des champignons, du sésame et de l’écorce d’orange. Ceux qui y ont goûté s’en vantent comme d’un acte courageux plus que d’un grand moment culinaire: «On dirait du jarret de veau, avec un arrière-goût de poisson.» Loin de le mettre à la casserole, d’autres amateurs du damné reptile sont fascinés par la marqueterie de ses squames, par la ligne de ses courbes «qui se rapproche de l’épure». Ils l’adoptent, le cajolent comme un chat de boudoir. Un collier de diamants vivant. La brave couleuvre vaudoise (pourtant dite «à collier») les indiffère: trop locale. Ils ne jurent que par le cobra cracheur rouge, le mamba noir, le vert de Guinée! Plus c’est exotique et gorgé de venin, plus c’est sensuel à caresser - telle une arme à feu. Or souvent on ignore la fragilité psychologique de cette créature claustrophobe. Elle a le mal du pays et de la vastitude des savanes. Pour les rejoindre, elle croit vous échapper via une cuvette de WC. Mais ce n’est que pour ne rejaillir que chez le voisin du dessous…

  

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